La petite histoire : Mais la littérature, c’est quoi au fait ? (partie 2)

 

Vous avez été nombreux à lire la première partie de notre histoire sur les origines et la définition de la littérature, et nous en sommes absolument ravis. Nous espérons que ce deuxième round vous en apprendra autant et vous donnera envie d’approfondir cette très très vaste question.

 

Nous nous étions arrêtés la dernière fois à la théorie générale des arts développée par Kant et Lessing et fondée sur de nombreuses recherches qui passent en revue les travaux d’hommes sacrément géniaux, de Léonard de Vinci à Shaftesbury. Et nous avons rappelé aussi qu’à partir de la seconde moitié du XVIIIè et du début du XIXè, le concept de Beau remplace ceux de représentation et d’imitation qui étaient le must have des grands littérateurs pendant des siècles.

 

 

 

Au XXème siècle, ce sont des universitaires super pointus qui prennent le relais. Leur truc à eux, c’est d’expliquer comment le Beau s’appuie sur des critères formels. Donc ils se penchent jour et nuit sur la forme des textes littéraires pour en dresser les codes. C’est un peu l’exercice qu’on vous demandait au Bac de français (repérer et développer l’intérêt d’une métaphore etc.), mais en beaucoup plus compliqué.

 

803a08b43e22d8b67a757e54d8c96232
On n’est pas Saussure.

Déjà, la théorisation de la littérature prend des directions multiples, et les recherches sur le sujet sont prolifiques partout en Europe, et outre-Atlantique. Au début du siècle, ce sont les Russes qui dominent la réflexion, notamment à travers le courant formaliste (1915-1930), dont les principaux représentants (Roman Jakobson, Ossip Brik, Victor Chklovski, Boris Eichenbaum etc.) se proposent d’étudier et de mettre en avant la littérarité d’un texte, c’est-à-dire son essence, « ce qui fait d’une oeuvre une oeuvre littéraire », selon les termes de Roman Jakobson. Puis, pendant l’entre-deux-guerres, l’Allemagne prolonge la réflexion, et la théorie littéraire se nourrit de deux approches : l’approche stylistique et l’approche dite « morphologique ». Ensuite, ça foisonne d’idées, les anglo-saxons apportent leur contribution et développent leurs propres courants de critique formelle, dont le plus célèbre porte le nom très sexy de New Criticism.

 

Bon, ne vous embrouillez pas, s’il y a des nuances dans chacun de ces courants, ce qu’il faut retenir, c’est qu’ils ont quand même tous en commun un même point de départ : l’idée des romantiques allemands ! La véritable innovation, et pas des moindres, qu’ils apportent par rapport à leurs prédécesseurs, c’est la dimension analytique. Autrement dit, à la recherche du Beau s’ajoute l’analyse, selon les préceptes d’Aristote. Une belle réconciliation qui permet aux théoriciens du XXè d’aboutir à une définition moderne de la discipline.

 

 

 

Dans les années 1960, les idées fusent encore plus grâce à des courants comme le structuralisme et la sémiologie (la science des signes). Le structuralisme, courant très frenchie, apporte un éclairage nouveau, parce qu’il se penche notamment sur la linguistique, un pan que n’étudiaient pas en profondeur les courants précédents. En gros, comme dans une démarche scientifique, les structuralistes analysent la structure (eh oui !) selon des critères de méthode précis. Claude Lévi-Strauss, notre plus grand anthropologue, incarne cette démarche à la perfection.

La sémiologie quant à elle se répand à l’international comme une belle tache d’huile, avec des grands représentants dans chaque pays , T. A. Sebeok aux Etats-Unis, Umberto Eco en Italie, et notre cher Ferdinand de Saussure en France (celui dont vous vous moquiez du nom en cours de philo).

 

 

 

Et toutes ces choses merveilleuses, à quoi servent-elles ?

 

  • Déjà, le structuralisme et la sémiologie permettent d’analyser les techniques narratives des œuvres. Le discours du récit de Gérard Genette est la Bible en la matière. On peut alors aborder des tas d’aspects du récit de fiction, grâce à l’étude du temps de l’histoire racontée et du temps du récit par exemple, ou la question du point de vue du narrateur.

 

  • Ensuite, on peut aussi se pencher sur l’analyse thématique, qui comme son nom ne l’indique pas, se réfère à la structure de l’action narrative, c’est-à-dire la façon dont l’intrigue se présente, avec ses grandes étapes et ses actions successives (le fameux schéma narratif).

 

  • La rhétorique et la stylistique permettent de nommer, définir et distinguer de nombreux codes esthétiques et figures de style, (oui, comme la métaphore et la métonymie !), que vous portez sans doute autant que nous dans votre cœur.

 

A partir des années 1970, on peut donc dire précisément pourquoi et surtout pour quoi un livre est beau. La portée artistique et esthétique est évidemment essentielle, mais on admet que le discours littéraire repose aussi sur une structure et des codes précis.

 

genettegerard
Gérard Genette, écrivain et dieu vivant français de la linguistique et de l’analyse littéraire.

 

Quant à la catégorisation des différents discours littéraires existants, Gérard Genette nous livre une belle hiérarchie, qui complétera les précédentes typologies que nous avons partagé avec vous en partie 1 :

 

  • Le domaine de la littéralité constitutive : la fiction (elle répond à des spécificités logiques et pragmatiques, soit un déroulement d’actions racontées) et la diction (la poésie, fondée sur la forme).

 

  • keep-calm-read-onLe domaine de la littéralité conditionnelle auquel appartiennent les œuvres dont le genre n’est pas institutionnalisé (l’autobiographie, le journal intime, le discours historique etc.), mais qui entrent dans le champ littéraire lorsqu’on leur reconnaît une dimension esthétique.

 

 

 

Voilà, maintenant qu’on sait un peu plus quels sont les tenants et les aboutissants de la littérature, on va pouvoir en détailler l’histoire, les grands courants, et les figures emblématiques. Et c’est pour très bientôt. En attendant, likez, commentez, partagez cet article, et racontez-nous vos lectures !

 

+1
0
+1
0
+1
0
+1
0
+1
0
+1
0
A propos de Cecilia Sanchez 290 Articles
Chargée de communication et rédactrice chez Booknode

2 Comments

  1. Le mot « œuvre » s’écrit avec un « e dans l’o » (paragraphe quatre). Et puis, on écrit en général « XXe siècle » (en exposant ou en ligne) ou « XXème siècle » (seulement en exposant), pas un mixte entre les deux… En 6bis, il y a une petite erreur de typo, puisqu’on ne met pas d’espace avant une virgule.

    Paragraphe 10, c’est « à partir » avec un accent. Je sais qu’il y a une tolérance, mais elle n’est valable que pour les machines à écrire (vous avez un ordinateur ou une tablette, non ?) qui ne permettent pas de les inscrire et pour les manuscrits quand ils sont trop lourds. Pour ceux qui ne me croiraient pas : https://www.druide.com/enquetes/faut-il-accentuer-les-majuscules-et-les-capitales

    Désolée pour tout ça, c’est compulsif, et puis il paraît que c’est un sain défaut, mais je ne veux pas déranger ! J’aime beaucoup ces articles, continuez ce beau travail !

    Et n’oubliez pas d’effacer ce commentaire !

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*