Phénomène : Sherlock Holmes, idole des temps modernes

 

sherlock & watson
Martin Freeman et Benedict Cumberbatch incarnent le Docteur Watson et Sherlock Holmes à l’écran, dans la série « Sherlock ».

 

L’année a commencé fort pour la version contemporaine du héros le plus célèbre d’Arthur Conan Doyle, Sherlock Holmes. L’épisode de Noël, qui est aussi le dixième de la série éponyme britannique, a finalement été diffusé le 1er janvier sur la chaîne BBC One. Habituée des records d’audience depuis ses débuts, la série poursuit son triomphe avec un dernier volet qui a encore fait sensation, réunissant près de 8,4 millions de téléspectateurs. Particularité de l’épisode « The Abominable Bride » ? Le retour des deux héros à leur époque victorienne d’origine, alors que jusqu’à présent, la série avait pris le parti audacieux de transposer le temps en ramenant Sherlock Holmes (interprété par Benedict Cumberbatch) et le Docteur Watson (joué par Martin Freeman)  à l’époque actuelle.

 

Depuis sa création en 2010, le triomphe de la série ne s’est pas fait démentir, et a su gagner un public varié et international. Il faut dire que le personnage le plus connu de Sir Arthur Conan Doyle a été remis au goût du jour de façon à plaire à la majorité, et notamment aux jeunes, qui sont très nombreux à suivre la série. Mais le phénomène ne s’arrête pas là. Comment expliquer que le plus célèbre détective de l’ère victorienne se soit retrouvé à ce point sur le devant de la scène, collectionnant adaptations cinématographiques (« Sherlock Holmes » en 2009, « Holmes » en 2015), séries populaires (« Sherlock », « Elementary »), et même jeux vidéos (« Sherlock Holmes : La Boucle d’Argent », « Sherlock Holmes : La nuit des sacrifiés », et « Sherlock Holmes : Crimes et Châtiments »), bandes dessinées ou encore jeux de plateau et de cartes ?

 

aventures de sherlock
Les aventures de Sherlock Holmes d’Arthur Conan Doyle ont été publié pour la première fois en 1887.

D’abord, il est peut-être utile de rappeler qu’un tel succès ne s’est pas imposé subitement en un jour. Depuis sa première publication en 1887, le détective inventé par Arthur Conan Doyle fascine et fait parler de lui. Il fait l’objet, avec une certaine constance, de nombreuses réécritures et transpositions, et ce, jusqu’à aujourd’hui, où on lui attribue un nombre important de fanfictions, au même titre que de grands best-sellers contemporains, comme les sagas Twilight ou Harry Potterpour ne citer qu’elles. Dans un article publié le 1er janvier dernier par Le Monde, le professeur de littérature comparée Denis Mellier explique ainsi que Sherlock Holmes est « le seul personnage qui ait connu ce destin apocryphe en continu […]. », ajoutant qu’ « il n’y a jamais eu de disparition de Sherlock Holmes, mais [qu’]il y a eu des périodes où il y en avait moins ». Toujours dans le même article, Denis Mellier invoque l’appétence très forte de notre époque pour l’ère victorienne, la culture « Steampunk »* ou encore la corrélation très réussie des univers policier et scientifique pour justifier l’élan sans précédent qu’a pris le personnage au tournant des années 2010.

 

Mais si Sherlock Holmes n’a jamais tout à fait cessé de plaire et de fasciner, c’est aussi et surtout parce qu‘il symbolise l’archétype le plus abouti du détective, ce qui lui permet de gagner son universalité. Sherlock Holmes n’est pas complètement au-dessus des hommes, comme pourraient l’être les super-héros des comics américains, mais il l’est suffisamment pour attiser l’admiration et la curiosité du public. Au-dessus de nous, il l’est par son charisme, son génie, son extraordinaire capacité d’anticipation sur les événements. En cela, il incarne une sorte de figure providentielle à même de résoudre, non seulement toute enquête policière, mais par extension aussi, les grands problèmes de notre époque. Et il est plutôt logique qu’en période de crise l’on aime à projeter sur ce type de héros la possibilité d’une solution, voire d’un salut. Le co-créateur et co-producteur de la série Sherlock, Mark Gatiss, affirme d’ailleurs dans le journal britannique The Telegraph qu’ « [il croit] avec conviction que l’une des raisons pour lesquelles Sherlock Holmes et le Docteur Watson ont survécu jusqu’à présent n’est pas seulement liée à leur amitié sans faille, mais au fait que le personnage de Sherlock apporte de l’ordre là où il y a le chaos. C’est la consolation dont il se fait le garant. » Au-dessus de nous donc, mais loin d’être parfait ou idéal. Car Sherlock est, au fond, aussi imparfait que nous. Une espèce de super-héros qui brille aussi (et surtout ?) par son humanité et ses failles, nombreuses, qui  lui donnent l’aura d’un personnage intemporel et hautement crédible. Suffisant, mystérieux, égocentrique, solitaire, névrosé, obsessionnel sans jamais être médiocre, tel est le secret de Sherlock Holmes, qui synthétise finalement ni plus ni moins que ce que l’on attend d’un héros moderne : un talent extra-ordinaire, et des faiblesses trop humaines. Et pour tout ça, c’est Arthur Conan Doyle qu’on remercie.

 

sherlock génie
Une intuition infaillible…et un sens aigu de la reconnaissance.

 

Notez que la rentrée littéraire de janvier se penche aussi sur le phénomène Sherlock, avec le roman Babybatch d’Isabelle Coudrier, publié aux éditions du Seuil. Le livre raconte l’obsession d’une jeune fille, Dominique, pour l’acteur qui incarne Sherlock Holmes à l’écran, Benedict Cumberbatch. Le roman paraîtra le 7 janvier et nous vous donnons rendez-vous très vite, avant la fin de la semaine, pour vous en parler plus en détail.

 

Bonnes lectures à tous !

 

* Le « Steampunk » est à l’origine un genre littéraire « rétrofuturiste » et désigne par extension une intrigue moderne se déroulant dans une atmosphère qui renvoie à la société industrielle de la fin du XIXè siècle.

 

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A propos de Cecilia Sanchez 290 Articles
Chargée de communication et rédactrice chez Booknode

3 Comments

  1. Article très intéressant.

    ce qui est aussi intéressant hors les reprises perpétuelles du personnage depuis ton atterrissage dans le domaine public et aussi la manière dont il sert de « moule » pour toute une série de détective. C’est un archétype en soit.
    Et un personnage que j’adore aussi bien dans son œuvre originale que dans la série actuelle. (L’épisode spécial Noël sera ma récompense post-partiel ^^)

  2. Article intéressant.

    Pour moi, le Sherlock de Conan Doyle est bien au-dessus de toutes les adaptations cinématographiques. D’abord, parce que lire les enquêtes de Sherlock, c’est faire l’effort de participer à leur résolution, de réfléchir activement, de chercher, de déduire. Ensuite, parce qu’il n’y a pas de violence armée ni d’acrobaties improbables dans l’oeuvre de Conan Doyle, juste une atmosphère d’épouvante synonyme d’incompréhension des choses, avant la résolution de l’énigme.

    Ce que j’en pense vraiment ? Une absence totale d’originalité au cinéma, qui depuis une bonne décennie, nous sert et nous ressert les oeuvres littéraires, avec + ou – réussite, sous forme de séries etc… Une époque sinistrée sans scénariste génial ou original, qui ne sait faire que puiser et s’enfermer pour se rassurer dans du déjà-vu. Où sont donc les jeunes scénaristes créatifs ? Quelque part, sans doute, mais où ?

  3. bonjour

    merci pour cet article très élaboré et intéressant

    je ne sais pas quand l’épisode de noël de la BBC passera chez nous, en langue française, mais je m’en réjouis d’avance

    perso, vraiment, j’aime bien tous les livres et films et ce de tout temps et en tout temps relatifs au détective très célèbre

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