Spécial Saint-Valentin : Comment dire « je t’aime » dans les règles de l’art ?

 

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L’art de dire « je t’aime », précieusement cultivé par les écrivains, poètes et autres philosophes au fil des siècles montre combien l’on peut trouver, avec passion ou avec trouble, les mots pour dire le sentiment amoureux. A l’heure des textos et des messages éphémères qui s’évanouissent aussitôt dans la sphère électronique, voici un petit florilège (non exhaustif) des déclarations d’amour qui comptent parmi les plus belles de l’Histoire. Peut-être ces lettres vous inspireront-elles, en ce jour de la Saint-Valentin, pour dire à celui/celle qui occupe vos pensées, combien vous l’aimez ?

La première lettre vous dira quels mots employer lorsque vous voulez dire « tu m’énerves à pas répondre ! » ; la seconde est une bonne alternative si vous ne savez pas comment parler à cet amoureux/amoureuse étranger qui ne parle pas français tout en vous garantissant plus de succès que le fameux « what do you mean ? » ; la troisième lettre permet de concilier philosophie et conversation amoureuse, ce qui est plus efficace après quelques années de relation que de proposer une énième soirée télé ; la quatrième vous apprendra qu’une longue description romantique est moins embêtante que le fameux « combien tu m’aimes ? » ; enfin, la dernière lettre vous sera sans doute d’une grande aide si vous voulez exprimer votre désespoir et votre amour en d’autres termes que « bébé tu me manques, reviens, c’est pas pareil sans toi ». Prêts ?

 

 

1. Bonaparte à Joséphine

 

napoleon bonaparte
« Mon cœur, entièrement occupé par toi, a des craintes qui me rendent malheureux… »

Récemment marié à Joséphine de Beauharnais, Napoléon adresse cette lettre à sa femme, en prenant soin d’y laisser transparaître le trouble qu’il ressent quant à une relation qu’il juge déséquilibrée du point de vue affectif. Tantôt enthousiaste, tantôt méfiant, le ton de la lettre révèle bien l’ambivalence transie de son auteur.

 

Je n’ai pas passé un jour sans t’aimer ; je n’ai pas passé une nuit sans te serrer dans mes bras ; je n’ai pas pris une tasse de thé sans maudire la gloire et l’ambition qui me tiennent éloigné de l’âme de ma vie. Au milieu des affaires, à la tête des troupes, en parcourant les camps, mon adorable Joséphine est seule dans mon cœur, occupe mon esprit, absorbe ma pensée. Si je m’éloigne de toi avec la vitesse du torrent du Rhône, c’est pour te revoir plus vite. Si au milieu de la nuit, je me lève pour travailler, c’est que cela peut avancer de quelques jours l’arrivée de ma douce amie, et cependant, dans ta lettre du 23, du 26 ventôse, tu me traites de vous. Vous toi-même ! Ah ! Mauvaise, comment as-tu pu écrire cette lettre ! Qu’elle est froide ! Et puis, du 23 au 26, restent quatre jours ; qu’as-tu fait, puisque tu n’as pas écrit à ton mari ?… Ah ! Mon amie, ce vous et ces quatre jours me font regretter mon antique indifférence (…).

 

Mon âme est triste ; mon cœur est esclave, et mon imagination m’effraie… Tu m’aimes moins ; tu seras consolée. Un jour, tu ne m’aimeras plus ; dis-le moi ; je saurai au moins mériter le malheur… Adieu, femme, tourment, bonheur, espérance et âme de ma vie, que j’aime, que je crains, qui m’inspire des sentiments tendres qui m’appellent à la nature, et des mouvements impétueux aussi volcaniques que le tonnerre. Je ne te demande ni amour éternel, ni fidélité, mais seulement…vérité, franchise sans bornes. Le jour où tu diras je t’aime moins, sera le dernier de mon amour ou le dernier de ma vie. Si mon cœur était assez vil pour aimer sans retour, je le hacherais avec les dents. Joséphine ! Joséphine ! Souviens-toi de ce que je t’ai dit quelquefois : la nature m’a fait l’âme forte et décidée. Elle t’a bâtie de dentelle et de gaze. As-tu cessé de m’aimer ? Pardon, âme de ma vie, mon âme est tendue sur de vastes combinaisons. Mon cœur, entièrement occupé par toi, a des craintes qui me rendent malheureux… Je suis ennuyé de ne pas t’appeler par ton nom. J’attends que tu me l’écrives. Adieu ! Ah ! Si tu m’aimes moins, tu ne m’auras jamais aimé. Je serais alors bien à plaindre. (…)

Bonaparte

 

2. George Sand à Pietro Pagello

 

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« Ce que j’ai cherché en vain dans les autres, je ne le trouverais peut-être pas en toi, mais je pourrai toujours croire que tu le possèdes. »

En 1834, lors de leur voyage en Italie, la relation entre Alfred de Musset et George Sand semble s’étioler. Quand pendant le séjour, le poète, écrivain et dramaturge contracte la typhoïde, c’est le médecin italien Pietro Pagello qui le soigne. Et c’est au chevet du malade que Pietro Pagello et George Sand s’éprennent l’un de l’autre. Ils entretiendront une liaison, et dans une lettre emprunte de doute et de douceur, George Sand interroge son affection soudaine pour Pietro Pagello, sans manquer d’envisager déjà sa séparation et son éloignement d’Alfred de Musset.

 

En Morée,

 

 

Nés sous des cieux différents, nous n’avons ni les mêmes pensées ni le même langage ; avons-nous du moins des cœurs semblables ?

 

 

Le tiède et brumeux climat d’où je viens m’a laissé des impressions douce et mélancoliques : le généreux soleil qui a bruni ton front, quelles passions t’a-t-il données ? Je sais aimer et souffrir, et toi, comment aimes-tu ?

 

L’ardeur de tes regards, l’étreinte violente de tes bras, l’audace de tes désirs me tentent et me font peur. Je ne sais ni combattre ta passion ni la partager. Dans mon pays on n’aime pas ainsi ; je suis auprès de toi comme une pâle statue, je te regarde avec étonnement, avec désir, avec inquiétude.

 

Je ne sais pas si tu m’aimes vraiment. Je ne le saurai jamais. Tu prononces à peine quelques mots dans ma langue, et je ne sais pas assez la tienne pour te faire des questions si subtiles. Peut-être est-il impossible que je me fasse comprendre quand même je connaîtrais à fond la langue que tu parles.

 

Les lieux où nous avons vécu, les hommes qui nous on enseignés, sont cause que nous avons sans doute des idées, des sentiments et des besoins inexplicables l’un pour l’autre. Ma nature débile et ton tempérament de feu doivent enfanter des pensées bien diverses. Tu dois ignorer ou mépriser les mille souffrances légères qui m’atteignent, tu dois rire de ce qui me fait pleurer.

 

Peut-être ne connais-tu pas les larmes ?

 

Seras-tu pour moi un appui ou un maître ? Me consoleras-tu des maux que j’ai soufferts avant de te rencontrer ? Sauras-tu pourquoi je suis triste ? Connais-tu la compassion, la patience, l’amitié ? On t’a élevé peut-être dans la conviction que les femmes n’ont pas d’âme. Sais-tu qu’elles en ont une ? N’es-tu ni chrétien ni musulman, ni civilisé ni barbare ; es-tu un homme ? Qu’y a-t-il dans cette mâle poitrine, dans cet œil de lion, dans ce front superbe ? Y’a-t-il en toi une pensée noble et pure, un sentiment fraternel et pieux ? Quand tu dors, rêves-tu que tu voles vers le ciel ? Quand les hommes te font du mal, espères-tu en Dieu ?

 

Serai-je ta compagne ou ton esclave ? Me désires-tu ou m’aimes-tu ? Quand ta passion sera satisfaite, sauras-tu me remercier ? Quand je te rendrai heureux, sauras-tu me le dire ?

 

Sais-tu ce que je suis, ou t’inquiètes-tu de ne pas le savoir ? Suis-je pour toi quelque chose d’inconnu qui te fait chercher et songer, ou ne suis-je à tes yeux qu’une femme semblable à celles qui engraissent dans les harems ? Ton œil, où je crois voir briller un éclair divin, n’exprime-t-il qu’un désir semblable à celui que ces femmes apaisent ? Sais-tu ce que c’est que le désir de l’âme que n’assouvissent pas les temps, qu’aucune caresse humaine n’endort ni ne fatigue ? Quand ta maîtresse s’endort dans tes bras, restes-tu éveillé à la regarder, à prier Dieu et à pleurer ?

 

Les plaisirs de l’amour te laissent-ils haletant et abruti, ou te jettent-ils dans une extase divine ? Ton âme survit-elle à ton corps, quand tu quittes le sein de celle que tu aimes ?

 

Oh ! quand je te verrai calme, saurai-je si tu penses ou si tu te reposes ? Quand ton regard deviendra languissant, sera-ce de tendresse ou de lassitude ?

 

Peut-être penses-tu que tu ne me connais pas…que je ne te connais pas. Je ne sais ni ta vie passée, ni ton caractère, ni ce que les hommes qui te connaissent pensent de toi. Peut-être es-tu le premier, peut-être le dernier d’entre eux. Je t’aime sans savoir si je pourrai t’estimer, je t’aime parce que tu me plais, peut-être serais-je forcée de te haïr bientôt.

 

Si tu étais un homme de ma patrie, je t’interrogerais et tu me comprendrais. Mais je serais peut-être plus malheureuse encore, car tu me tromperais.

 

Toi, du moins, tu ne me tromperas pas, tu ne me feras pas de vaines promesses et de faux serments. Tu m’aimeras comme tu sais et comme tu peux aimer. Ce que j’ai cherché en vain dans les autres, je ne le trouverais peut-être pas en toi, mais je pourrai toujours croire que tu le possèdes. Les regards et les caresses d’amour qui m’ont toujours menti, tu me les laisseras expliquer à mon gré, sans y joindre de trompeuses paroles. Je pourrai interpréter ta rêverie et faire parler éloquemment ton silence. J’attribuerai à tes actions l’intention que je te désirerai. Quand tu me regarderas tendrement, je croirai que ton âme s’adresse à la mienne ; quand tu regarderas le ciel, je croirai que ton intelligence remonte vers le foyer éternel dont elle émane.

 

Restons donc ainsi, n’apprends pas ma langue, je ne veux pas chercher dans la tienne les mots qui te diraient mes doutes et mes craintes. Je veux ignorer ce que tu fais de ta vie et quel rôle tu joues parmi les hommes. Je voudrais ne pas savoir ton nom, cache-moi ton âme que je puisse toujours la croire belle.

 

  

3. Karl Marx à Jenny

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« Tu es là, devant moi, incarnée, et je te porte dans mes bras, et je te couvre de baisers de la tête aux pieds, et je tombe à genoux devant toi et je soupire : « Madame, je vous aime. » »

Mariés en juin 1843, Karl Marx et Jenny von Westphalen entretiennent une relation emprunte de tendresse et de connivence intellectuelle. Il lui partage ses convictions, elle le soutient dans son travail. Malgré leur grande affection, Karl Marx entretient, comme souvent à l’époque, des amours extra-conjugales, que Jenny acceptera jusqu’à la mort.

 

Mon cœur chéri,

Je t’écris à nouveau car je suis seul, et cela me gêne de toujours te parler en pensée sans que tu n’en saches rien ni ne m’entendes ni même ne puisse me répondre. Ton portrait, aussi mauvais soit-il, m’est du plus grand secours, et je comprends maintenant pourquoi même « les Vierges noires », les portraits les plus réprouvés de la Mère de Dieu, ont pu trouver de fougueux adorateurs, voire plus d’adorateurs que les bons portraits. (…) Mais je corrige les rayons du soleil qui ont été mauvais peintres, et je découvre que mes yeux, tellement abîmés par la lumière des lampes et le tabac, peuvent peindre malgré tout, pas seulement en rêve, mais aussi lorsque je suis éveillé. Tu es là, devant moi, incarnée, et je te porte dans mes bras, et je te couvre de baisers de la tête aux pieds, et je tombe à genoux devant toi et je soupire : « Madame, je vous aime. » Et je vous aime en réalité, plus que le Maure de Venise n’a jamais aimé. (…)

 

Une absence passagère a du bon car, dans une proximité réciproque, les choses ne se différencient plus à trop se ressembler. Même des tours proches l’une de l’autre ont l’air de naines, tandis que le petit et le familier, regardés de près, prennent de plus en plus de volume. Ainsi en est-il des passions. Les petites habitudes qui, du fait de la proximité de l’autre, s’emparent de vous et prennent une tournure passionnelle disparaissent dès que leur objet immédiat se dérobe à la vue. Les grandes passions qui, par la proximité de leur objet, prennent la forme de petites habitudes grandissent et reprennent leur dimension naturelle sous l’effet magique de l’éloignement. Ainsi en est-il de mon amour. Il suffit que ton image s’évanouisse d’un simple rêve pour que je sache aussitôt que le temps n’a servi à mon amour qu’à cela à quoi servent le soleil et la pluie pour les plantes : à grandir et à croître. Dès que tu t’éloignes, mon amour pour toi apparaît tel qu’il est : c’est un géant qui concentre en lui-même toute l’énergie de mon esprit et toute l’ardeur de mon cœur. Je redeviens homme, parce que je vis une grande passion, et l’éparpillement où nous entraînent l’étude et la culture moderne, ainsi que le scepticisme qui fatalement nous amène à dénigrer toutes nos impressions subjectives et objectives ne servent qu’à faire de nous tous des créatures insignifiantes et chétives, geignardes et timorées. En revanche, l’amour, non pas pour l’homme de Feuerbach, non pas pour le métabolisme de Moleschott, non pas pour le prolétariat, mais l’amour envers la bien-aimée et spécialement envers toi permet à l’homme de redevenir homme. Tu vas sourire, ma chérie, et te demander comment d’un coup j’en viens à développer toute cette belle rhétorique ? Mais si je pouvais serrer contre mon cœur ton tendre cœur pur, je me tairais et ne dirais plus un mot. Ne pouvant utiliser mes lèvres pour t’embrasser, je le fais avec ma langue et mes paroles.

 

Ton Karl

 

4. Théophile Gautier à Carlotta Grisi

 

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« N’est-ce pas, cher ange, que nous ne m’oublierez pas, que vous me garderez la petite place que vous m’avez faite dans votre cœur et que nous ne m’ôterez pas l’espérance qui me soutient et me fait vivre ? »

Poète, romancier et critique d’art, Théophile Gautier tombe éperdument amoureux de Carlotta Grisi, danseuse classique, entre 1840 et 1841. Au début peu touché par la grâce de la jeune danseuse, il cède finalement très vite devant une beauté, une jeunesse et un talent qu’il compare dans une critique de 1841 à « une admirable trinité ».  Pour elle, il va même jusqu’à écrire un ballet, Giselle, qui connaîtra un grand succès. Néanmoins, Théophile Gautier ne vit pas avec Carlotta, mais avec sa sœur aînée de celle-ci, Ernesta, qui a gagné l’admiration du poète un an avant qu’il n’aime sa sœur, à qui il raconte en ces termes, les souffrances de l’éloignement :

 

Ma chère Carlotta,

 

 

Me voilà hélas ! bien loin de vous dans ce grand Paris où j’ai beaucoup de peine à me réinstaller. Plus de Salève ni de Jura, le matin devant mes yeux, rien que la brume qui enveloppe, au fond du jardin, les grêles peupliers. Je me consolerais bien vite de ne plus voir les montagnes avec leurs couronnes de neige si vous étiez là. Votre présence dissiperait le brouillard et ferait briller le soleil du printemps à travers cette bruine qui éteint le jour. Quelque effort que je fasse, je me sens envahir par une invincible mélancolie. Il pleut dans mon âme comme dans la rue. J’avais pris une si douce habitude de vivre près de vous qu’il me semblait que cela ne devait jamais finir. Mon départ, tant de fois différé après un séjour plus long que je n’aurais osé l’espérer, m’a surpris comme une catastrophe inattendue. Je ne pouvais y croire et quand les roues du wagon ont commencé à tourner, elles m’ont fait le même mal que si elles me passaient sur le cœur. Voilà déjà six grands jours que je ne vous ai vue, six grands jours éternels, et qu’est-ce que six jours à côté des mois qui vont s’écouler, oh ! combien lentement, avant que je puisse vous revoir ! Je me suis déjà ennuyé pour une année au moins. (…) N’est-ce pas, cher ange, que nous ne m’oublierez pas, que vous me garderez la petite place que vous m’avez faite dans votre cœur et que nous ne m’ôterez pas l’espérance qui me soutient et me fait vivre ? Je suis plein de doute et de trouble ; malgré vos douces paroles et les marques irrécusables de votre tendresse, je n’ose croire que j’aie fait quelque progrès dans votre affection. Les difficultés de nos rares et courtes entrevues (…), la froideur apparente dont vous vous armiez pour détourner le soupçon d’un amour trop transparent de mon côté, ont ôté aux dernières semaines de mon séjour la charmante intimité des premiers mois. (…)

 

Pourtant, le matin du départ, dans le petit salon, lorsque je vous faisais d’une main tremblante les petits dessins que vous m’aviez demandés, j’ai cru voir vos yeux fixés sur moi se troubler et devenir humides. Cela vous faisait donc un peu de chagrin de voir celui qui vous aime tant s’éloigner pour bien longtemps peut-être ? Pour moi, j’étais navré, mais au milieu de tout ce monde, je n’ai pu vous exprimer ma douleur profonde. Oh ! pourquoi n’ai-je pas eu une demi-heure à moi pour vous serrer contre mon cœur, pleurer dans votre sein, et laisser mon âme entre vos douces lèvres, avec un long et suprême baiser ?

 

Sempre vostrissimo,

Théophile Gautier

 

5. Oscar Wilde à Alfred Douglas

 

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« De toute mon existence, jamais quelqu’un ne m’a été si précieux ; nul amour n’a été plus grand, plus sacré, plus beau… »

 

C’est depuis la prison de Reading, en Angleterre, qu’Oscar Wilde écrit cette lettre à Alfred Douglas, l’amour de sa vie. A cette même époque, l’écrivain anglais écrit l’une de ses plus belles œuvres, De Profundis, qui est une ode à Lord Douglas, et prend la forme d’une longue lettre amoureuse. A sa sortie de prison, tous deux partent en voyage en Italie. Là, l’histoire se transforme en tragédie : Alfred Douglas dépouille Oscar Wilde et l’abandonne. L’écrivain mourra l’année suivante, seul, pauvre, et désespéré, dans un sombre et modeste hôtel parisien. Resteront les lignes émues et mélancoliques qu’il écrivit à son amant, et qui comptent parmi les plus belles de la littérature.

 

Quant à vous, vous m’avez donné la beauté de la vie dans le passé, et dans l’avenir s’il doit y en avoir un. C’est pourquoi je vous serai éternellement reconnaissant de m’avoir inspiré adoration et amour. Ces journées de bonheur ont été notre aurore. Aujourd’hui, dans l’angoisse et la souffrance, le chagrin et l’humiliation, je sens que mon amour pour vous, votre amour pour moi, sont les deux piliers de ma vie, les sentiments divins qui rendent supportable l’amertume. De toute mon existence, jamais quelqu’un ne m’a été si précieux ; nul amour n’a été plus grand, plus sacré, plus beau…

 

Cher garçon, dans les jouissances comme en prison, vous et le souvenir de vous étaient tout pour moi. Oh ! Gardez-moi toujours dans votre cœur ; vous ne quittez jamais le mien. Je pense à vous bien plus qu’à moi-même et si, parfois, la pensée de l’horrible, de l’infâme souffrance vient me tourmenter, il me suffit de penser à vous pour reprendre des forces et guérir mes plaies. Que la destinée, Némésis, ou les dieux cruels soient seuls blâmés pour tout ce qui s’est passé.

 

Tout grand amour a sa part de tragédie, et maintenant le nôtre connaît la sienne ; mais vous avoir côtoyé, vous avoir aimé avec un dévouement si profond, vous avoir eu pour une portion de ma vie, la seule que j’estime aujourd’hui magnifique, me suffit. Les mots manquent pour dire ma passion mais vous et vous seul pouvez me comprendre. Nos âmes étaient faites l’une pour l’autre et, en percevant la vôtre dans l’amour, la mienne a surpassé bien des maux, elle a compris la perfection et touché l’essence divine des choses.

 

La douleur, si elle vient, ne peut durer infiniment ; un jour nous nous retrouverons, c’est certain, et si mon visage porte le masque de la tristesse, si mon corps est usé par la solitude, vous et vous seul reconnaîtrez cette âme sublimée par la vôtre, l’âme de l’artiste qui a trouvé son idéal en vous, l’âme du passionné de beauté à qui vous êtes apparu comme un être parfait, sans défaut. Désormais, je pense à vous comme à un ange aux cheveux d’or, au sein duquel le cœur du Christ lui-même bat. A présent je sais combien l’amour transcende tout le reste. Vous m’avez transmis le divin secret de l’univers.

 

Si ces lettres vous ont plu, sachez que vous pouvez les retrouver, ainsi que bien d’autres, dans l’ouvrage Lettres d’amour, publié chez Le Robert dans la Collection Mots Intimes. Les textes ont été sélectionnés Par Agnès Pierron. Dans la même collection, vous trouverez aussi Lettres érotiques et Lettres de rupture.

 

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A propos de Cecilia Sanchez 290 Articles
Chargée de communication et rédactrice chez Booknode

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