Phénomène : Ces auteurs classiques qui n’ont écrit qu’un seul roman

 

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Harper Lee, l’auteure du roman Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, est décédée le 19 février dernier. Elle est une des figures majeures de la littérature américaine du XXe siècle.

 

L’auteure américaine Harper Lee, décédée vendredi dernier 19 février, a bâti sa carrière et son succès d’écrivain sur un seul roman, Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur, publié en 1960. Dès sa publication, le roman prend l’étoffe d’un grand classique, et reçoit sans attendre le très prestigieux Prix Pulitzer, en 1961. Il se verra remettre plus tard, en 2007, la Presidential Medal of Freedom des mains du président George W. Bush. Pour rappel, ce prix est la plus haute distinction que puisse recevoir un citoyen américain, et il est attribué à l’auteure pour sa contribution à la littérature américaine, alors qu’elle ne compte qu’un seul roman à son actif. Comment expliquer alors qu’un seul livre puisse suffire à faire la réputation d’un écrivain ? Retour sur quatre écrivains majeurs, pères et mères d’un seul chef-d’oeuvre.

 

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Si Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur a hissé son auteure au rang d’écrivain classique, c’est qu’il constitue un véritable plaidoyer pour la justice dans une Amérique encore en proie, dans les années 1960, à la ségrégation raciale que l’on connaît. Roman de courage et d’engagement, l’écrivain y dépeint l’Amérique sudiste aux prises avec les préjugés racistes des années 1930. Dans un climat lourd de suspicion, la narratrice, Scout, raconte une période de son enfance pendant laquelle son père, Atticus Finch, avocat, décide de défendre Tom Robinson, un homme noir injustement accusé d’avoir violé une jeune fille blanche.

 

Le roman est notamment salué pour sa capacité à mêler récit autobiographique – de nombreux éléments sont inspirés de la vie de l’auteure, comme le lieu de l’intrigue et le caractère du père – et intrigue policière. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur est d’ailleurs classé parmi les 100 meilleurs livres policiers de tous les temps. A sa sortie, le succès est instantané. L’année qui suit la publication, les ventes oscillent à 500 000 exemplaires, et une adaptation cinématographique est réalisée dès 1962 par Robert Mulligan sous le nom « Du silence et des ombres ».

 

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Publié en 1960, le premier et seul roman de Harper Lee devient un classique dès sa sortie.

Un triomphe trop soudain et trop considérable, à en croire la suite. Qu’est-ce qu’un écrivain peut encore écrire après une tel succès ? Cette question, Harper Lee se l’est posée. En 1964, dans l’un de ses derniers et d’ailleurs de ses seuls entretiens à la presse, elle laisse transparaître ses inhibitions, affirmant qu’ « [elle n’a] jamais eu autant la trouille qu'[alors]. » Il y aura bien un deuxième projet de roman, entamé dans les années 1960 sous le titre Le long adieu. Il ne verra jamais le jour. Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur demeurera donc l’unique roman de Harper Lee, jusqu’à ce qu’en 2014, son avocate retrouve un texte vraisemblablement écrit avant son best-seller, mais qui relate la suite de l’histoire. Devenue grande, Scout retrouve son père, qui d’un personnage plein d’empathie et d’humanité s’est transformé en protagoniste antipathique et intolérant. Publié en 2015, le texte, intitulé Va et poste une sentinelle, connaît un succès bien moindre, notamment à cause de la transformation peu crédible des personnages. Il marquera néanmoins le retour inattendu d’une auteure devenue classique, après cinquante ans sans publication.

 

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Un portrait d’Emily Brontë, d’auteur inconnu.

 

D’autres auteurs doivent leur consécration à un seul roman. C’est le cas d’Emily Brontë, qui, en plus de ses nombreux poèmes, n’a publié qu’un seul roman, emblématique de la littérature anglaise : Les Hauts de Hurlevent. Publié en 1847, il vit d’abord dans l’ombre de Jane Eyre, le roman de Charlotte Brontë, paru deux mois avant. Pourtant, Les Hauts de Hurlevent est d’emblée reconnu pour sa densité, et pour une écriture proche du romantisme allemand qui contribuera à amplifier son succès à la fin du XIXe siècle. Souvent comparé aux tragédies grecques et aux drames shakespeariens, Les Hauts de Hurlevent entrera dans la postérité, alors que la carrière d’Emily Brontë sera, elle, brutalement écourtée par sa mort prématurée, en 1848 : à trente ans, la jeune femme succombe aux affres de la tuberculose.

 

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Margaret Mitchell, auteure du best-seller Autant en emporte le vent, à l’oeuvre.

 

Le nom de Margaret Mitchell ne vous dit peut-être rien au premier abord. Elle est pourtant l’auteure d’un des grands romans américains du XXe siècle, Autant en emporte le vent. Ca y est, ça vous revient ? Née en 1900, Margaret Mitchell se met à écrire des nouvelles et des pièces de théâtre alors qu’elle est encore très jeune. En 1926, des problèmes de santé la contraignent à rester chez elle. C’est son époux qui lui conseille d’écrire pour s’occuper. Elle commence alors l’écriture de son chef-d’oeuvre, qui lui prendra dix ans. Publié en 1936, le roman connaît un succès immédiat et reçoit le Prix Pulitzer l’année suivante, en 1937. Traduit en 27 langues, il est aujourd’hui vendu à plus de 30 millions d’exemplaires. L’adaptation au cinéma par Victor Fleming en 1939 ravive le succès et amplifie encore l’aura du best-seller. Autant en emporte le vent restera le seul roman de Margaret Mitchell, qui meurt en 1949 des suites d’un accident de voiture, en laissant l’histoire de Scarlett O’Hara inachevée.

 

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J.D. Salinger, l’auteur de L’attrape-coeurs et de nombreuses nouvelles, est l’un des écrivains américains les plus influents en dépit de la vie d’ermite qu’il choisira de mener après ses publications.

 

J.D. Salinger fait lui aussi partie de nos écrivains phares. Il est de ceux qu’il faudrait apparemment lire avant ses 25 ans sous peine de ne plus comprendre le seul roman, L’attrape-coeurs. Paru en 1951, l’ouvrage devient lui aussi très rapidement un classique grâce à son langage novateur et à son portrait nostalgique, cru et emblématique du désenchantement adolescent. Après le triomphe et un accueil enthousiaste, J.D. Salinger, auteur de deux autres recueils de nouvelles, vivra délibérément comme un ermite, évitant la presse, les interviews et toute manifestation d’attention publique. Il refusera les unes après les autres les propositions d’adaptations cinématographiques. Reclus, il n’écrira plus rien après la publication de son second recueil de nouvelles en 1961, et mourra en 2010, avec un seul roman et chef-d’oeuvre à son actif.

 

Épatant et curieux non ?

 

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A propos de Cecilia Sanchez 290 Articles
Chargée de communication et rédactrice chez Booknode

1 Comment

  1. Et les français!

    Alain Fournier aussi mérite une palme pour sa carrière écourtée par la guerre. Le grand Meaulnes est un véritable joyaux! Et il mérite qu’on les mentionne.

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