Lieux imaginaires : Le Pays des merveilles d’ « Alice au Pays des merveilles », Lewis Carroll

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Alice selon le dessinateur Benjamin Lacombe (2015)

Ecrit en 1865, Les Aventures d’Alice au pays des merveilles est un roman de Lewis Carroll, nom de plume de Charles Lutwige Dodgson. La première version française de l’oeuvre date, elle, de 1869. Si Alice au Pays des merveilles est devenu sans conteste un livre culte de la littérature jeunesse, il n’était pourtant pas, à l’origine, destiné aux enfants, et ce n’est que la deuxième version du roman qui donnera à l’oeuvre l’aura qu’on lui connaît. 150 ans après sa sortie, Alice continue d’être un best-seller international et figure dans le top 10 des livres les plus vendus au monde. Aujourd’hui, le conte signé Lewis Carroll est aussi bien lu par le jeune public que par un public d’adultes. Par ailleurs, Alice au pays des merveilles constitue un vivier inépuisable pour les artistes, dessinateurs, musiciens et producteurs contemporains à en croire le nombre d’œuvres inspirées du conte et les nombreuses adaptations cinématographiques qui en ont été faites.

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Le Lapin Blanc dans sa version originale, dessiné par Lewis Carroll

Si Alice au pays des merveilles fascine autant, c’est sans doute grâce à l’univers psychédélique et complètement illogique dans lequel il nous plonge. Entre rêve et cauchemar, le récit de Lewis Carroll relie la puissance magique et effrayante des contes classiques à une dimension absurde complètement innovante, en particulier à une époque où la littérature enfantine avait pour vocation de former le jeune public. Loin des récits simplistes et des morales toutes faites, Alice au pays des merveilles étonne et plaît pourtant aussi aux adultes par son sens subtil de la satire et sa critique vaporeuse mais efficace d’un modèle d’éducation victorien figé où la fantaisie a peu sa place.

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Alice selon le dessinateur Benjamin Lacombe (2015)

Aux antipodes de la littérature pour enfants de son époque, Alice au pays des merveilles marque donc les esprits par son monde fantaisiste et ses personnages tous plus loufoques et retors les uns que les autres. Décrite comme curieuse et insouciante, Alice représente l’exploratrice par excellence, celle qui avance dans un monde nouveau sans se soucier le moins du monde de la façon de retourner sur ses pas. Sa courtoisie, sa patience et son attention l’aident à éviter les difficultés et lui permettent de s’étonner de tout. Sa sœur est la figure qui incarne le mieux le rigorisme victorien, en plus de représenter le monde rationnel et étriqué des adultes, auquel Alice s’oppose dès la première scène du roman. Au pays des merveilles, les personnages sont tout autres. On y trouve le fameux Lapin blanc, fil conducteur de toute l’intrigue, mais aussi le bestiaire fantasque de la Mare de larmes la Souris, le Dodo, le Canard, le Lori et l’Aiglon. Plus tard, d’autres animaux étonnants surgissent, parmi lesquels l’emblématique chat de Cheshire, la Chenille ou le Lièvre de mars. Au pays des merveilles, les objets sont souvent personnifiés, comme c’est le cas des cartes à la fin du conte.

Par ailleurs, la complète perte de repères qui régit le pays des merveilles en fait un lieu-symbole de la crise et de la quête d’identité. En témoignent par exemple les métamorphoses successives que subit Alice au gré des scènes. Tantôt petit pouce, tantôt géante, la taille d’Alice varie du début à la fin au gré de ce qu’elle boit et mange, si bien que le pays des merveilles apparaît aussi comme un lieu imaginaire dépourvu d’échelles, où les éléments interagissent entre eux mais de manière décousue, comme des tableaux qui se suivent sans aucun lien logique. Cela permet de rebondir sur l’importance de la contradiction et de la contestation de l’ordre établi, deux règles fondamentales du pays des merveilles. Ainsi Humpty Dumpty change la signification des mots, le Lièvre de Mars et le Chapelier rangent les objets sans que ça n’ait de sens, et le chat de Cheshire se fait maître dans l’art du démenti. Quant à la Reine de Coeur, elle symbolise bien l’apogée de l’absurde et de l’arbitraire en réprimant toute forme de pensée et de réflexion.

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Alice et les fleurs dans le dessin animé produit par Disney (1951)

Que l’on aborde l’univers d’Alice au pays des merveilles comme un monde ingénu et coloré ou qu’on le perçoive au contraire comme un lieu cauchemardesque où la folie seule domine et inquiète, on salue volontiers le génie imaginatif de Lewis Carroll, qui inventa ce récit loufoque lors d’une promenade en barque près d’Oxford en compagnie des trois jeunes soeurs Liddell, dont l’une, Alice Liddell, inspira à l’auteur le personnage éponyme.

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Le pays des merveilles vu par Tim Burton (2010)

Enfin, si Les Aventures d’Alice au pays des merveilles n’ont pas pris une ride en 150 ans, c’est en partie grâce aux nombreuses interprétations de l’oeuvre par les cinéastes, illustrateurs et musiciens les plus brillants. Concernant le cinéma, il est intéressant de noter que la première adaptation cinématographique d’Alice au pays des merveilles date de 1903 à peine. Il s’agit d’un version en noir et blanc réalisée par Cecil Hepworth. D’autres suivront en 1933, 1985, 1988 et 1999. Puis des téléfilms, bande dessinées et dessin animés voient le jour. En 2000, c’est même un jeu vidéo des aventures d’Alice qui crée l’engouement. Mais de toutes les versions ayant revisité le conte de Lewis Carroll, c’est sans doute le classique des studios Disney sorti en 1951 et l’adaptation de Tim Burton en 2010 les plus populaires. Quant au conte, il a été illustré et revisité par foule d’artistes. Nous avions sélectionné à l’occasion des 150 ans d’Alice les plus jolies versions du conte, que vous pouvez retrouver en cliquant ici. De quoi rêver encore longtemps…

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A propos de Cecilia Sanchez 290 Articles
Chargée de communication et rédactrice chez Booknode

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