Que ce soit dans la culture populaire ou dans la littérature, l’Eldorado, cette cité exotique et imaginaire, a autant fasciné les auteurs et scénaristes en quête d’histoires que le grand public. Largement alimenté par les colons, le mythe de l’Eldorado a aussi été aux origines d’une des plus grandes et violentes courses au trésor de l’Histoire, celle qui a conduit à l’exploitation par les conquistadors des peuplades amérindiennes dans les mines d’or et d’argent.
Il faut remonter au XVe siècle pour retracer la naissance du mythe de l’Eldorado. Ce sont les Indiens Chibchas de Colombie qui ont élaboré les premiers la légende, évoquant alors une contrée regorgeant d’or où le chef, recouvert de poudre d’or, se baignait une fois par an dans les eaux du lac Guatavita tandis que ses sujets jetaient dans l’eau or et offrandes. L’émergence de ce récit remonterait à l’année 1536.
Piliers de la culture et symboles du raffinement inca et aztèque, les métaux précieux tels que l’or et l’argent constituaient un objet de convoitise pour les peuples des grandes civilisations amérindiennes, mais aussi (et surtout ?) pour les conquistadors espagnols en quête de pouvoir et de richesse. C’est donc à l’époque de la conquête de l’Amérique que le mythe de l’Eldorado a été nourri par de nouveaux récits issus du fantasme occidental de l’attrait pour l’or. Un explorateur espagnol dit avoir passé sept mois à Manoa, une ville mythique construite aux abords d’un très grand lac dans lequel les habitants avaient en effet pour coutume de jeter des objets en or à leurs princes ensevelis sous les eaux. Le récit venait ainsi confirmer le mythe élaboré par les Chibchas.
Bien que l’on n’ait jamais trouvé d’emplacement précis venant corroborer l’existence des mystérieuses cités d’or, plusieurs hypothèses se sont succédées quant à leur position géographique. La première prend évidemment racine dans la légende originelle des Chibchas et place l’Eldorado autour du lac Guatavita en Colombie. Une autre reprend le récit historique de la capture de l’empereur Atahualpa par Francisco Pizarro en 1532 dans la région du lac Titicaca, à la frontière entre la Bolivie et le Pérou. L’Espagnol, qui avait exigé de l’empereur inca de l’or en rançon, aurait vu son trésor jeté dans le lac par les mariniers après qu’ils aient appris la condamnation à mort de leur empereur par Pizarro.
L’Eldorado a également pu être construit dans l’imaginaire occidental par les récits de voyage de Marco Polo, qui a décrit à ses contemporains les pagodes aux toits d’or birmanes. Pour les Européens, l’Eldorado se serait donc d’abord situé du côté des Indes. Christophe Colomb et ses hommes, qui ont découvert l’Amérique en pensant qu’il débarquaient en Asie, se seraient donc attendus à trouver les cités d’or évoquées par leur pair, qu’ils n’ont, étant au mauvais endroit, jamais trouvées.
Le mythe de l’Eldorado a perduré jusqu’au XVIIIe siècle. Persuadés que le pays de l’or existait, les Indiens et les Conquistadors ont supposé que cette terre promise se situait dans la région des fleuves Orénoque et Amazone, à cheval entre la Guyane, le Venezuela et le Brésil. La légende finit par s’essouffler définitivement après l’expédition du britannique Walter Raleigh et les découvertes de Charles Marie de la Condamine et de Alexandre de Humboldt au XIXe, partis explorer ces zones sans succès.
Cette poussée en avant vers l’Eldorado pendant près de trois siècles souligne bien la prégnance du mythe, qui aujourd’hui encore reste très exploité. De Voltaire à Laurent Gaudé ou de Picsou à Spirou, la terre de l’or promis n’a cessé d’inspirer la littérature et la bande dessinée, mais aussi le cinéma, la télévision, et même les jeux vidéo. Preuve que même inexistant, l’Eldorado n’en reste pas moins un lieu poétique à trouver.
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