Phénomène : Rien de plus efficace qu’un mauvais sort pour protéger ses livres

purgatoire
Représentation du purgatoire – XIIe siècle

Bien que la technique du mauvais sort jeté au voleur de livres remonte un peu, elle était apparemment très efficace… au Moyen-Âge ! Un article paru sur le site anglophone Atlas Obscura détaille cette pratique, couramment utilisée par les scribes et les érudits de l’époque, et qui consistait à inscrire en guise de préface ou de conclusion à un ouvrage, quelques lignes de menace à l’attention des potentiels voleurs et saccageurs de livres. Un livre dérobé pouvait ainsi valoir à son coupable un sort aussi tragique que l’excommunication, ou la mort par torture.

Même si le Moyen-Âge n’était pas spécialement réputé pour sa douceur de vivre et son esprit pacifique, on est tout de même tenté de se demander : pourquoi tant de haine pour un simple livre ? Tout simplement parce que fabriquer un livre à l’époque n’était pas chose simple. La confection d’un seul ouvrage pouvait prendre des années, impliquait de sérieuses contraintes et ne se faisait qu’au prix de nombreux efforts. Les copistes – des moines, dans la grande majorité des cas – consacraient leurs journées à la rédaction et à l’enluminure d’ouvrages, un travail rigoureux et de longue patience, qui ne pouvait s’effectuer qu’à la lumière du jour, l’usage des bougies étant trop périlleux. Une fois finis, les livres constituaient donc des biens rares et d’une grande valeur. Pour vous donner un ordre d’idées, il suffisait d’une à deux douzaines d’ouvrages au Moyen-Âge pour constituer une bibliothèque.

A ce prix, les détenteurs de livres avaient plutôt intérêt à protéger coûte que coûte leurs ouvrages. Et bien que les mauvais sorts et malédictions qui figuraient en première ou en dernière page à l’adresse des malfaiteurs puissent sembler anecdotiques au lecteur d’aujourd’hui, ils suffisaient à susciter la crainte des gens de l’époque. Marc Drogin, écrivain et illustrateur, spécialiste du sujet, précisait dans l’article que ces inscriptions étaient « le seul moyen de protéger les livres » et constituaient une solution hautement dissuasive parce que « par chance, c’était une époque où les gens croyaient à la réalisation des mauvais sorts ». Sans compter que certaines des pratiques décrites dans ces paragraphes étaient courantes au Moyen-Âge.

Empalement, mains coupés, arrachage des yeux, immolation, pendaison, la liste des supplices infligés aux voleurs est longue. Dans l’un de ses livres, intitulé Anathema! Medieval scribes and the history of book curses et paru en 1983, Marc Drogin dresse un inventaire de certaines des malédictions retrouvées dans des ouvrages anciens. Celles-ci étaient la plupart du temps assez courtes, sous forme de sentence, et faisaient appel aux codes de l’époque. En voici un exemple :

Que l’épée de l’excommunication puisse occire celui qui osera dérober ce livre.

D’autres, plus élaborées, n’hésitaient pas à faire mention des châtiments dans le détail afin d’augmenter encore davantage leur pouvoir de dissuasion. L’exemple suivant illustre bien cette tendance:

A quiconque volera ce livre : qu’il meure, qu’il soit jeté dans un poêle, que la maladie et la fièvre s’emparent de lui, qu’il soit écartelé et pendu. Amen.

Les deux exemples ci-dessus, traduits à partir des versions anglaises de Marc Drogin, elles-mêmes traduites du latin, donnent un petit aperçu des mauvais sorts infligés aux pilleurs de livres. Pas sûr que la technique fasse ses preuves au XXIe siècle, mais après tout, on peut bien essayer d’en élaborer une version à partir des codes actuels. Voici la nôtre :

Puisse celui qui volera ou endommagera ce livre être banni de ma communauté et considéré comme un être infréquentable.

A décliner selon vos envies. Des propositions ?

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A propos de Cecilia Sanchez 290 Articles
Chargée de communication et rédactrice chez Booknode

1 Comment

  1. À celui qui touchera cet ouvrage
    Sache à quoi tu t’expose :
    En cas de vol ou d’arrachage de page,
    De dégradation si tu l’oses ;
    J’invoque Ouk le grand bibliothécaire,
    Madame Pince la documentaliste,
    Et Doucet le collectionneur !
    Qu’ils te dégrade pour ton salaire
    De tous tes titres universitaires,
    Qu’ils te noient sous un millier de liste
    De commandes de reprographie,
    Qu’ils effacent toutes tes bibliographies
    Du cours d’histoire comme de biologie,
    Qu’ils empêchent le bus d’être à l’heure
    Et te donnent toujours les pires khôlleurs !
    Par ces mots te voilà prévenu
    Nos illustres prédécesseurs
    Sauront pour ton malheur
    Vider tes étagères de leur contenu.

    Bonne chance pour ton concours, mon grand.

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