Marc Dugain est un auteur qui compte dans le paysage littéraire français. Il a déjà écrit une quinzaine de romans, dont certains ont eu un franc succès, comme La chambre des officiers ou La malédiction d’Edgar. Tous n’ont cependant pas séduit les lecteurs et c’est donc avec curiosité qu’on attend à chaque fois ses livres. Grand cru ou livre oubliable, que nous réserve t-il cette fois?
Ce roman est avant tout une biographie de son père, ce qui nous est d’entrée emmené habilement par l’auteur. Je dois dire que j’ai le plus souvent horreur de ce genre d’exercice, j’ai tendance à croire qu’un auteur qui a pour priorité de nous raconter son histoire et celle de ses proches, est surtout quelqu’un qui est en train de faire de faire un travail psy, avec souvent un haut degré de catharsis, qu’au fond ne nous regarde pas. Dans ce cas précis, comme il s’agit d’un auteur expérimenté et qui a abordé de nombreux sujets, le bénéfice du doute peut donc lui être accordé, je suis pour une fois allé plus loin dans cette lecture.
Un peu de la famille de chacun des français
Et je dois dire que je n’ai pas été déçu. L’histoire de ce père qu’on suit tout au long de sa vie, est intimement liée à celle de la France, des français et de tous les habitants du monde occidental au 20eme siècle.
Extrait : En attendant la voiture qui va les emmener à l’hôpital, elle va prévenir sa mère. « Il va bien falloir l’accepter. » La vieille femme, résignée, comme nombre d’épouses de marins, à la supériorité des éléments sur d’infimes destins, n’en dit pas plus. Il faudra prier et se résoudre à cette forme de grandeur qu’est l’abnégation sans plainte. Il ne faudra pas donner au malheur plus d’importance qu’il n’en a, semble-t-elle dire.
Les réalités et les drames surtout les plus durs, qui ont eu lieu entre le début de la première guerre mondiale et la fin de la décolonisation, se mêlent à l’histoire de son père de la façon la plus crue et souvent la plus intense.
A suivre sa vie de son enfance jusqu’à sa vie de couple, on y retrouve un peu de la famille de chacun des français. Ces histoires de guerre, de maladies, de rencontres et de pertes, nous ramènent aux événements que nos propres familles ont vécu et aux histoires racontés par nos anciens au coin du feu ou au détour d’un repas.
Une biographie touchante et prenante
Avec de la pudeur et de la finesse, l’auteur nous raconte son père avec une intensité qui nous émeut parfois jusqu’aux larmes, qui, elles aussi, apparaissent avec pudeur.
Extrait : La jeune voisine cale sur ses équations. son crayon retourné, elle tapote sur la feuille, dépitée. Lui les trouve d’une facilité triviale. Et il n’a pas le triomphe modeste. D’un geste surprenant parce qu’ils ne se sont parlé à aucun moment, il lui prend lentement le cahier des mains, puis le crayon, pour aligner les solutions des équations. Mi-étonnée, mi-vexée, elle le remercie du bout des lèvres sans tourner la tête. Ni l’un ni l’autre ne sait qu’ils sont au seuil d’une histoire d’amour qui les accompagnera jusqu’à la mort.
L’histoire de son père qui se mêle à celle du siècle, descend en intensité au fur et à mesure que les événements géopolitiques eux aussi se tournent moins dramatiques et l’auteur qui en deuxième partie de roman se met à donner son opinion sur tout, manque de nous faire perdre l’affinité avec ce récit. Mais comme toute histoire qui se finit a une intensité émotionnelle importante, ce livre se finit en nous serrant le coeur et nous ramenant à l’amour pour nos proches. Tant pour ceux qui sont là, que pour ceux qui sont partis.
Sans être le livre de l’année, Marc Dugain nous livre avec La volonté une biographie touchante et prenante, qui trouvera sans aucun doute son public.
La volonté de Marc Dugain sort le 19 Août – 288 pages, Collection Blanche, Gallimard
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