Journée de la Femme : Ces femmes qui ont marqué la littérature

 

En littérature, comme dans de nombreux domaines artistiques, « la vision qui prévaut est que les femmes sont des imitatrices, des épigones. » Il faut dire que la question de la place de la femme dans l’histoire littéraire, très bien traitée par Christine Planté dans un fragment d’essai que nous vous recommandons vivement, n’est pas des plus aisées à appréhender. Quelle que soit l’histoire littéraire que vous consultiez, vous serez peut-être frappé(e) du peu de noms de femmes qui y figure. Le rôle central qu’elles occupent dans la littérature est finalement trop souvent celui de l’objet, de la muse, de l’inspiratrice ou de la lectrice. Cela tient aussi à un aspect culturel longtemps dominant : celui qui visait à asseoir la supériorité masculine et à reléguer la femme à des domaines fermés : le foyer, la famille, les bonnes manières et la coquetterie. C’est d’ailleurs de là que nous vient l’image soigneusement entretenue de la Précieuse, dont Molière s’est fait l’un des meilleurs peintres. A l’ombre et en marge d’une discipline majoritairement masculine, c’est elles que nous voulons mettre en lumière aujourd’hui, histoire de nous rappeler que parfois, elles n’ont pas tant à envier que ça à un Lamartine, un Baudelaire ou un Balzac. Voici quelques portraits choisis d’une liste non exhaustive.

 

 

1. Louise Labé (1524-1566)

 

louise-labe-6752-250-400Poète française de la Renaissance, Louise Labé exerce ses talents dans la ville de Lyon d’où elle est originaire. Surnommée « La Belle Cordière », elle tient ce pseudonyme de son père, apprenti cordier, puis de son mari, un riche marchand de cordes, dont la situation confortable lui permet, à elle, d’exercer sa passion pour les lettres. Ce confort de vie amène Louise Labé à se cultiver et à intégrer le groupe de l’école lyonnaise. A une époque où la poésie française est particulièrement prolifique, elle parvient à se tailler une place au milieu de grands noms du genre : Joachim Du Bellay, mais aussi Pierre de Ronsard. Quant à sa poésie, elle puise l’inspiration dans la culture latine, autour de figures éminentes comme Catulle, Horace ou Ovide, dont Les Métamorphoses et Les Héroïdes en particulier servent la verve poétique de la poète. La Renaissance italienne, elle aussi, fera partie de ses influences majeures. Elle est à ce titre très admirative d’Érasme et de Pétrarque.

 

 

2. Madame de La Fayette (1634-1693)

 

madame-de-la-fayette-aElle est sans doute la femme de lettres qui a le plus marqué le Classicisme français. Issue de la petite noblesse, elle acquiert très tôt une éducation littéraire solide et en conformité avec son rang : elle étudie l’italien et le latin. Son précepteur, Gilles Ménage, l’introduit dans les salons littéraires à la mode, où elles rencontre des femmes influentes de son époque comme Catherine de Rambouillet ou Madeleine de Scudéry. Sa première oeuvre littéraire, La Princesse de Montpensier, paraît anonymement en 1662, puis viendront Zaïre en 1669, paru sous la signature de Segrais, homme de lettres de l’époque, et son chef-d’oeuvre, La Princesse de Clèves, édité par l’un de ses amis en 1678. Le succès est immense, et le roman est encore pris aujourd’hui comme exemple même du roman d’analyse psychologique. Très proche de La Rochefoucauld, qui a joué un rôle de taille dans la vie littéraire de Madame de La Fayette, elle finira par se retirer de la scène littéraire comme de la vie mondaine à la mort de son ami, et laissera trois ouvrages qui seront publiés à titre posthume : La Comtesse de Tende, publié en 1723, Histoire d’Henriette d’Angleterre, édité en 1720, et Mémoires de la Cour de France, paru en 1731.

 

 

3. Germaine de Staël (1766-1817)

 

madame-de-stael-140531-250-400Écrivain et philosophe française, Madame de Staël est originaire d’une famille genevoise extrêmement riche et est élevée dans un milieu lettré, sa mère tenant un salon où se succèdent des figures aussi importantes que Buffon, Grimm, Edward Gibbon ou l’abbé Raynal. Après une jeunesse rangée et un premier mariage peu fructueux, la baronne de Staël assume une vie personnelle et sentimentale aussi passionnée qu’agitée, de même qu’un engagement intellectuel significatif, puisqu’elle défend les idéaux de la Révolution Française de 1789. Dans le milieu des lettres, elle est plus particulièrement connue pour avoir popularisé en France des auteurs germaniques alors peu représentés dans la culture littéraire française. Elle joue d’ailleurs un rôle majeur dans l’instauration du romantisme français, largement inspiré des romantismes allemand et anglais. Elle laissera derrière elle une solide réputation, et une influence littéraire et philosophique dont témoignent ses œuvres fictives, Delphine et Corinne ou l’Italie et ses essais : Lettres sur les ouvrages et le caractère de Jean-Jacques Rousseau, De l’influence des passions sur le bonheur de l’individu et des nations, et De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales.

 

 

4. Jane Austen (1775-1817)

 

jane-austen-5494-250-400De l’autre côté de la Manche, une autre femme écrivain a marqué les esprits et les générations. Élevée dans la culture et les lettres, Jane Austen s’essaie à différentes formes d’écriture, et fournit un travail prolifique qui l’amènera à publier successivement entre 1811 et 1816 Raison et Sentiments (publié anonymement), Orgueil  et Préjugés, Mansfield Park et Emma. Deux autres de ses romans, L’Abbaye de Northanger et Persuasion, seront publiés à titre posthume en 1818. Si les écrits de Jane Austen sont aussi marquants dans l’histoire de la littérature, ils le doivent à un réalisme quasiment précurseur pour l’époque, puisque les grandes années de ce courant ne viendront qu’après, et à des intrigues sentimentales qui dépeignent de façon innovante la question du statut social et économique, de même que le thème de la place de la femme et de son rôle moral dans la société. Aujourd’hui reconnue comme l’un des plus grands écrivains anglais, sa littérature ne cesse d’être interrogée et de faire l’objet d’études universitaires et littéraires à l’échelle internationale.

 

 

5. Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)

 

marceline-desbordes-valmore-217933-250-400Moins connue que d’autres, Marceline Desbordes-Valmore compte parmi les grandes figures littéraires du premier XIXe siècle. Tour à tout poète, dramaturge, ou écrivain pour enfants, elle se fait d’abord connaître comme comédienne et cantatrice dès ses 16 ans. Cultivant aisance et liberté d’esprit, elle se produit dans les théâtres parisiens et se distingue par quelques rôles de taille, comme celui de Rosine dans Le Barbier de Séville de Beaumarchais. C’est en 1819 qu’elle publie son premier recueil de poèmes, intitulé Élégies et RomancesIl suscite immédiatement l’attention du milieu littéraire, et lui ouvre la porte de certains journaux.  D’autres recueils remarqués et remarquables suivront : Élégies et poésies nouvelles en 1824, Pleurs en 1833, Pauvres fleurs en 1839 et Bouquets et Prières en 1843. Le lyrisme et l’audace dans la versification lui vaudront l’admiration de ses pairs. Elle composera en outre quelques contes en vers et en prose pour les enfants, et témoignera même de la difficulté et des paradoxes d’être une femme artiste dans un roman autobiographique publié en 1833, et intitulé L’Atelier d’un peintre.

 

 

6. La Comtesse de Ségur (1799-1874)

 

comtesse-de-segur-46634-250-400Elle a bercé l’enfance de générations entières de petites filles espiègles et modèles, et demeure une figure de premier plan dans le paysage littéraire français du XIXe siècle à nos jours. Avec la Comtesse de Ségur, des thématiques comme l’enfance et l’éducation, souvent liées aux châtiments corporels, connaissent un traitement nouveau, en rupture avec les modèles de littérature enfantine qui le précèdent. A la cruauté imagée des contes succède la cruauté réaliste et sans compromis des romans de Madame de Ségur. Ce traitement jusqu’alors inédit offre un regard aussi novateur que moralisateur sur l’éducation, et d’autant plus marquant d’ailleurs qu’il tire son inspiration de la réalité. Un bon petit diable, Les Malheurs de Sophie, ou Les Petites Filles modèles pour ne citer que les plus connus, auraient pu tomber dans la désuétude. Grâce à leur verve et à leur universalité, ils continuent pourtant d’être des classiques de la littérature jeunesse d’aujourd’hui, et sont vendus comme des best-sellers.

 

 

7. George Sand (1804-1876)

 

george--sand-6751-250-400Écrivain prolifique, femme de lettres et de caractère, George Sand parmi les plus importantes figures du XIXe siècle intellectuel français. Adulée ou fustigée par ses pairs, elle les côtoie tous : Honoré de Balzac, Gustave Flaubert, Victor Hugo, avec qui elle est amie, et bien d’autres. Elle entretient aussi des liens avec des compositeurs comme Franz Liszt ou Frédéric Chopin. On ne sait qui de l’écrivain, de la femme libre ou du personnage fascine le plus. Ce qui est sûr, c’est que George Sand brille autant par ses écrits que par sa vie agitée et scandaleuse pour l’époque. Cultivant un style vestimentaire masculin, elle adopte aussi plusieurs pseudonymes masculins tout au long de sa vie pour se faire l’égale des hommes et obtenir une reconnaissance artistique équivalente. Cette liberté, elle l’entretient aussi dans ses relations amoureuses, dont la plus célèbre et romanesque reste celle avec Alfred de Musset entre 1833 et 1835. Elle laissera pour la postérité pas moins de soixante-dix récits romanesques, nouvelles ou contes, de nombreuses pièces de théâtre, et une autobiographie remarquable sobrement intitulée Histoire de ma vie. Aujourd’hui, elle est aussi reconnue pour ses correspondances, aussi nombreuses (40 000 lettres recueillies entre 1812 et 1876)  que révélatrices des mondanités de son époque.

 

 

8. Virginia Woolf (1882-1941)

 

virginia-woolf-140798-250-400Virginia Woolf est tout à la fois une femme de lettre anglaise, une auteur majeur de la littérature du XXe siècle et une féministe remarquable. Elle entre en littérature en 1905 où elle commence à écrire pour le supplément littéraire du Times. Son premier roman, paru en 1915, s’intitule La traversée des apparences ou Traverséesmais ce sont des fictions plus tardives qui lui vaudront le succès : Mrs Dalloway en 1925, La Promenade au phare en 1927, Orlando en 1928, ou Une chambre à soi en 1929. Salués par la critique comme par le public, ces ouvrages font d’elle une des plus grandes romancières du XXe siècle, mais aussi la pionnière d’un nouveau mode d’expression narratif. Aujourd’hui, Virginia Woolf fait partie des auteurs les plus étudiés, tant pour sa littérature que pour son imaginaire et sa vie, jalonnée de combats – Virginia Woolf souffrait de troubles bipolaires -, et d’engagements avant-gardistes, l’écrivain étant bisexuelle.

 

 

9. Simone de Beauvoir (1908-1986)

 

simone-de-beauvoir-60924-250-400C’est l’une des figures, si ce n’est la figure du féminisme français et international. Tour à tour universitaire, philosophe, romancière, théoricienne, et essayiste, Simone de Beauvoir a occupé à peu près toutes les fonctions qui valent à un intellectuel d’être considéré comme tel. Sa passion pour la lecture et l’écriture n’a d’égal que son talent : elle est agrégée de philosophie à 21 ans, et c’est à la même époque qu’elle rencontre Jean-Paul Sartre, avec qui elle entretiendra une relation affective et intellectuelle toute sa vie. Leur anticonformisme à la ville, et les nombreuses relations « contingentes » qu’ils entretiennent avec d’autres ont contribué à forger leur légende. La posture libre qu’elle prône, Simone de Beauvoir la défend également dans ses ouvrages, et en particulier dans Le Deuxième Sexe, qui, publié en 1949, prône la libération et l’émancipation des femmes. Côté fiction, elle obtiendra le Prix Goncourt grâce à son roman Les Madarins, qui date de 1954. Le succès des ses premiers ouvrages rejaillira par ailleurs sur son oeuvre autobiographique, qui compte trois tomes : Mémoires d’une jeune fille rangée, La Force de l’âge et La Force des choses.

 

 

10. Marguerite Duras (1914-1996)

 

marguerite-duras-113900-250-400Il fallait bien une dernière figure d’envergure pour clore cet article 100% féminin. Ce sera chose faite avec Marguerite Duras, qui était à la fois écrivain, dramaturge, scénariste et réalisatrice. Elle est révélée au grand public avec son premier roman, à dimension autobiographique : Un barrage contre le Pacifique. Saluée, elle l’est parce qu’elle bouleverse les codes narratifs et syntaxiques établis, mais aussi parce qu’elle traite l’action, le temps, la sensualité et la féminité d’une façon totalement innovante. Moderato cantabile en 1958, Le Ravissement de Lol V. Stein en 1964, Le Vice-Consul en 1966 ou La Maladie de la mort en 1982 étoffent sa carrière d’écrivain, qui atteindra son plus grand succès avec la publication du roman L’Amant en 1984, alors sacré Prix Goncourt. Relatant les premières expériences sexuelles et amoureuses d’un personnage qui est le double de l’auteur, il témoigne de son extraordinaire capacité à raconter l’intime et le féminin. Côté cinéma, Marguerite Duras entretient une relation et une collaboration étroite avec Alain Resnais : elle est l’auteure du scénario et des dialogue du film Hiroshima mon amour, qui sera nommé pour l’Oscar du meilleur scénario original en 1961.

 

Et vous, quelle femme écrivain vous a le plus marqué ?

 

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A propos de Cecilia Sanchez 290 Articles
Chargée de communication et rédactrice chez Booknode

7 Comments

  1. La femme écrivain m’ayant le plus marquée, c’est incontestablement Juliette Benzoni qui nous a quittés récemment. Un talent incroyable pour nous faire vivre l’Histoire au travers de ces personnages, mêlant la fiction et l’Histoire. On s’y croirait ! Même si je n’ai pas pu lire tous ces ouvrages, j’en ai lu beaucoup et à chaque fois avec le même plaisir.

  2. On ignore encore si Louise Labbé n’est pas une pure invention de certains poètes lyonnais, c’est un sujet de débat actuellement.
    Pour le reste, très bon article, j’espère que la liste ne va pas cesser de s’étoffer !

  3. Je me souviens avoir applaudi l’entrée de Marguerite Yourcenar à l’académie française (1° femme) j’avais adoré son roman « Mémoires d’Hadrien ».

  4. Il existe de nombreuses preuves de l’existence de Louise Labé et de ses productions, je veux dire des liens qui les unient. D’ailleurs le bon sens s’en occupe déjà très bien, pourquoi attribuer des poèmes, une production littéraire de qualité à une femme ? A l’époque cela n’a aucun sens, c’est d’ailleurs l’une des possibles raison du fait que nous n’ayons malheureusement que des fragments de son oeuvre. Je considère en tout cas personnellement, comme beaucoup d’autres, la remise en question de son existence comme une mauvaise foi sévèrement poussée.

  5. En réalité, il y avait un grand intérêt à attribuer des poèmes à une femme. Le Lyon du XVIe siècle est connu pour la qualité de sa poésie et pour la grande vitalité poétique qui y règne. Les femmes à l’époque étant associées à une poésie amoureuse sérieuse, un nom de plume féminin jouait un rôle publicitaire. D’où le fait qu’on considère qu’il est possible que ça soit une auteure fictive derrière laquelle se cacherait une production d’auteurs masculins.

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  1. Article de Christie Fo

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