Phénomène : Pourquoi nos livres sentent-ils le chocolat ou la vanille ?

Odeur des livres
L’odeur des livres, une empreinte sentimentale et mystérieuse

C’est un fait. Les amoureux des livres apprécient presque autant l’histoire que raconte un ouvrage que le parfum qui s’en dégage. Difficile de se départir du plaisir de humer des pages qui sentent bon le chocolat, les épices ou la vanille. Qui d’ailleurs n’a pas cédé à la tentation d’acheter un livre après en avoir brièvement respiré le parfum ? Et ce parfum, irrésistible et parfois indéterminé, d’où vient-il au juste ? Un article récemment paru sur le site du Guardian s’est penché sur la question. Quelle que soit la senteur de l’ouvrage, celle-ci est posée comme un élément essentiel, indissociable de l’expérience de la lecture. De nombreux bibliothécaires le confirment d’ailleurs : l’odeur d’un livre est ce qui marque en premier son lecteur.

Vient ensuite la question, plus compliquée, de l’identification. Car s’il est facile de distinguer une odeur agréable d’une senteur désagréable, notre mémoire olfactive échoue souvent à attribuer audit parfum un objet précis. En somme, on pourrait passer des heures le nez dans un bouquin sans parvenir à déterminer s’il sent le biscuit ou la campagne. Un récent projet mené par deux chercheurs britanniques du UCL Institute pour le patrimoine durable a tenté de percer les mystères du parfum des livres. Grâce à une double approche scientifique et culturelle, l’équipe a établi des corrélations entre la composition chimique des livres et les descriptions subjectives des lecteurs concernant leur odeur.

Des senteurs dominantes qui sont une affaire de science

A partir de l’analyse scientifique des échantillons d’un livre ancien, Matija Strlič et Cecilia Bembibre ont développé un diagramme répertoriant les différentes senteurs associées à un livre ancien. Ils ont ensuite conçu un extrait de parfum restituant l’odeur de l’ouvrage en question. En le soumettant à 79 personnes, ils ont pu mettre en avant certaines sensations dominantes. La plupart des sondés ont en effet associé le parfum au chocolat, au cacao, au café, au bois ou à une odeur de brûlé. La proximité entre les éléments invoqués n’est pas un hasard. Dans l’article, les chercheurs expliquent en effet que le café et le chocolat résultent de la fermentation de la lignine, le principal constituant du bois. Or, cette composante est aussi présente dans les fibres du papier ancien lorsqu’il commence à subir les effets du temps.

Un deuxième test à permis de confirmer ces premières observations. A la bibliothèque Wren de la capitale Saint-Paul, les chercheurs ont demandé à un échantillon de visiteurs de décrire l’odeur de la librairie. La quasi-totalité des personnes interrogées ont souligné le parfum boisé de l’endroit. 86% ont également évoqué une odeur de fumée, 71% un parfum de terre. 41% ont dit percevoir une dominante de vanille. Toutes ces odeurs ne sont pas uniquement le fruit d’une perception : elles correspondent à des composants chimiques que l’on retrouve bel et bien dans les vieux livres.

A chaque époque son parfum

Tous les livres ne sentent pourtant pas pareil. Et pour cause, deux critères majeurs entrent en compte dans la carte d’identité olfactive d’un ouvrage. D’une part, leur date de production, de l’autre, ce que l’on pourrait appeler leur « expérience vécue ». Ainsi, Matija Strlič précise que les livres produits avant 1850 ont une odeur différente de ceux fabriqués entre 1850 et 1990 parce qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, l’acide est devenu une composante majeure du processus d’impression des ouvrages.

Avec le développement de l’ère industrielle et la massification de la production, les livres fabriqués ont perdu en robustesse et en qualité. Certains ont une odeur véritablement caractéristique. La plupart des lecteurs ont sans doute fait l’expérience de ces livres de poche vieux de trente ou quarante ans dont les pages se recouvrent de tâches et de marbrures brunâtres. Ces traces, qui sont la marque du processus de décomposition de l’ouvrage, peuvent être à l’origine d’une odeur âcre, plus proche de celle du moisi ou du renfermé que du biscuit des ouvrages plus anciens. Depuis les années 1980, les livres fabriqués se conservent mieux, grâce à la régulation des composants chlorés intervenant dans les techniques de fabrication.

Une odeur qui évolue avec la vie du livre

« L’expérience vécue » du livre détermine elle aussi son parfum. Deux exemplaires d’un même ouvrage auront probablement deux odeurs différentes selon qu’ils aient peu ou beaucoup voyagé, qu’ils aient été conservés dans un milieu sec ou dans un environnement humide. L’usage qui est fait du livre a donc lui aussi un impact sur son odeur, qui change au fil du temps. Au-delà de son empreinte sentimentale, la senteur des pages d’un ouvrage constitue aussi une carte d’identité, qui, pour peu que l’on ait un peu d’expérience en la matière, permet de déduire la composition du livre, et de déterminer son époque de fabrication et la façon dont il a été conservé.

Et vous, ils sentent quoi vos livres ?

Source : The Guardian 

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A propos de Cecilia Sanchez 290 Articles
Chargée de communication et rédactrice chez Booknode

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