Phénomène : Les livres pourraient-ils disparaître un jour ?

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C’est peut-être l’une des grandes questions que se posent les lecteurs d’aujourd’hui et les spécialistes de l’édition, qu’ils soient optimistes ou pessimistes. Dans un article publié récemment sur le site anglophone Quartz (qz.com), deux maîtres de conférences, l’un à la Loughborough University et l’autre à l’université de Londres, soulignent qu’après plusieurs années de progression, les principaux éditeurs ont noté une baisse des ventes de livres numériques. En fait, ces derniers se demandent même, une dizaine d’années après son lancement, si le livre numérique n’était pas, tout compte fait, un investissement peu judicieux.

Le livre numérique signe-t-il la fin du livre papier ?  Cette question, les spécialistes se la sont posée longtemps. Désormais, ils se demandent plutôt pourquoi l’on continue à envisager le duo livre papier / livre numérique sous forme de confrontation. Pour les deux spécialiste à l’origine de l’article, ces interrogations vont bien au-delà de la dualité entre support classique et support numérique : elles révèlent surtout le mélange d’enthousiasme et de peur que suscitent en nous l’innovation et le changement.

Le problème tient en réalité à notre rapport aux médias, et nous entendons ici les médias au sens large, c’est-à-dire tout support servant à diffuser de l’information (les livres en font évidemment partie). Ainsi, nous aurions tendance à penser l’évolution des médias sous la forme de la substitution : l’arrivée d’un nouveau média conduirait inexorablement à l’extinction d’un autre média plus ancien. Et cette idée est d’autant plus vivace que la technologie va vite et partant, nous expose de plus en plus à une certaine obsolescence programmée, où tout ce qui existe ou a existé sera in fine remplacé par autre chose de plus performant, de plus attractif, bref, de meilleur et de complètement différent. Finalement, rien ne s’est passé comme prévu. La démocratisation de la télé n’a pas signé la disparition de la radio, et les journaux continuent d’exister malgré les difficultés économiques du secteur de la presse.

Quant aux livres, le mythe de leur disparition n’est pas nouveau. Les universitaires Simone Natale et Andrea Ballatore, à l’origine de l’article paru dans Quartz, précisent qu’on augurait déjà l’extinction des livres en 1894, époque à laquelle le phonographe faisait son apparition. On prétendait alors que les ouvrages papier seraient massivement remplacés par une forme audio, comme les livres audio que l’on écoute aujourd’hui. Pourtant, malgré le phonographe, la télévision, Internet et le Smartphone, le livre n’a toujours pas disparu, il se porte même plutôt bien !

Pourquoi a-t-on donc si peur qu’ils disparaissent, et surtout pourquoi, malgré une offre prolifique et une présence accrue dans notre paysage quotidien, imagine-t-on qu’ils puissent éradiqués d’un seul coup du jour au lendemain ? Cette peur inconsciente viendrait de notre rapport aux livres, de l’importance et de la place qu’on leur accorde. Plus ils sont présents dans notre existence, plus nous nous y attachons et voyons l’émergence d’un nouvel acteur comme une menace susceptible de rompre un état d’harmonie initial. Nous nous mettons dès lors à éprouver un sentiment bien connu : celui de l’insécurité, qui sera plus ou moins proportionnel à l’attachement que nous entretenions avec l’objet premier (ici, le livre papier) et à notre capacité d’adaptation au « nouvel ordre du monde ».

C’est aussi pour cela que nous mettons plus ou moins longtemps à apprécier les transitions comme le passage du noir et blanc à la couleur ou le changement de présentation du fil d’actualité de Facebook. Il faut dire que mis à part un certain nombre de technophiles convaincus, nous avons en France une tendance plutôt naturelle au conservatisme dans le domaine de la technologie. L’accueil réservé, méfiant, voire froid des premiers iPad en est un bon exemple. Et quand nous n’affichons pas notre réticence, nous versons dans l’éloge immodéré, celui des eBooks par exemple, avant de déchanter, généralement bien vite, pour revenir à nos fondamentaux.

Ce phénomène qui nous fait avancer par à-coups vers la technologie s’illustre généralement par un rapport hystérisé et schizophrénique au monde moderne. Nous louons la praticité du livre numérique un jour pour revendiquer le suivant l’odeur inégalable des livres anciens. Si bien que le marché du Smartphone se porte aussi bien que celui du vintage. En revanche, nous sommes sceptiques lorsqu’on nous propose de faire du nouveau avec de l’ancien, par exemple, nous ne serons jamais très convaincus par un livre numérique dont le principal argument de vente serait l’imitation du papier des vrais livres.

Soyons donc rassurés : les livres ont enduré bien des révolutions, et survivront à celle-ci comme ils ont survécu aux précédentes. D’où cette conclusion facile à retenir et à inculquer : « l’histoire de la mort des médias reflète à la fois notre enthousiasme pour le futur et notre peur de perdre ce à quoi nous sommes attachés, et, par conséquent, une partie de nous-mêmes ».

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A propos de Cecilia Sanchez 290 Articles
Chargée de communication et rédactrice chez Booknode

2 Comments

  1. BONJOUR,

    J’ai lu cet article avec un grand intérêt, j’adore lire, je ne peux pas m’en passer depuis même avant de savoir lire !

    Je suis passée au numérique sur ces 4 dernières années, et presque au tout numérique récemment, et je veux donner mon point de vue. J’adore les livres bien évidemment, et il y en a en plus des romans, policiers et autres genres, pour tous les goûts qui sont des ouvrages magnifiques.

    Les miens sont comme neufs une fois lus, mais ….. ils s’abîment ! et oui ! je ne peux pas les garder tous dans la maison, donc j’ai des cartons pleins dans mon garage. Et pour finir j’ai dû faire ce que beaucoup font autour de moi, ils les donnent ou les jettent !

    Les bibliothèques n’en veulent pas ou peu, seulement les récents et encore. De plus en vieillissant, j’ai 55 ans, je vois que rien ne sert d’entasser des choses, y compris des livres. Et pour finir je constate que parce que j’arrive rarement à lire plus de deux fois le même livre, mais avec beaucoup de temps entre deux, et bien je ne les relis pas tous, aussi les livres numériques étant moins chers et très facile à trouver sur le net, c’est la meilleure solution pour moi !

  2. J’ai acheter une liseuse depuis bientôt 2 mois maintenant mais… j’achète toujours les format papier je ne suis pas matérialiste sauf… avec mes livres!
    J’ai tout en papier mais la liseuse est bien aussi (avoir des extrait, et pour mon cas les exclusivité numérique).
    Sa prend de la place oui… mais ne pas avoir au moins une bibliothèque ne mes pas pensable.

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